Jardins de la paix
A l'occasion du 100e anniversaire de l'Armistice de 1918, des "jardins de la paix" ont été aménagés par des paysagistes ressortissants des pays belligérants sur les lieux mêmes des combats.
Plantés dans le prolongement de lieux majeurs de la mémoire de la Grande Guerre des Hauts-de-France, ces jardins (12 en 2018 et 4 au printemps 2019) sont de nouveaux espaces de recueillement, mais aussi des lieux de promenade pour tous, paisibles et sereins.
Trois jardins de ce programme ont été implantés sur les ruines de l'ancien village de Craonne.
Cultiver la mémoire [ jardin allemand ]
Paysagiste : Thilo Folkerts / 100Landschaftsarchitektur
Désormais, les sept hectares d’un arboretum dévalent le vallon dévasté du Vieux Craonne. Au milieu des arbres, le paysagiste allemand Thilo Folkerts a délimité trois cercles par un anneau de métal, chacun d’entre eux soulignant la topographie bosselée du site. À l’intérieur, des milliers de bulbes qui seront plantés, année après année, par les Craonnais et les promeneurs, attendent de fleurir. L’intervention de Thilo Folkerts repose en effet sur une idée simple, celle du champ de bataille, à la terre retournée non pas par le travail des champs, mais par la violence de la guerre. En renversant cette proposition et en inscrivant sur le site, plus qu’une forme, un processus de plantation, le projet de Thilo Folkerts participe au travail de mémoire. Pour réveiller le souvenir du Vieux Craonne, il met à contribution chaque visiteur, invité à planter un bulbe dans le sol traumatisé. Grâce à l’échelonnement des floraisons, les trois jardins fleuriront ainsi au fil des saisons, illuminant le sous-bois du blanc immaculé des perce-neige ou du mauve vif des crocus.
592 [ jardin italien ]
De nombreux combattants italiens ont été tués sur le territoire du Chemin des Dames : le jardin des paysagistes Lorenza Bartolazzi, Luca Catalano et Claudia Clementini honore la mémoire de ces 592 disparus, enterrés non loin de là, dans le cimetière de Soupir. Pour mettre en lumière la topographie tourmentée du site du Vieux Craonne, déformé par les bombardements, les concepteurs ont recouvert d’une couche d’argile certaines dépressions: telles des larmes, celles-ci retiennent désormais les eaux de pluie, reflétant le ciel et les feuillages du sous-bois. Plantée parmi les arbres, une trame serrée de piquets symbolise les bataillons de soldats tombés au combat : au printemps, une explosion de couleurs vient les illuminer, qui débute avec le rouge des tulipes, en souvenir des combattants. Les floraisons s’échelonnent ensuite jusqu’à l’automne, avec une dominante de teintes bleutées. L’hiver, le jardin s’éteint et les bassins se remplissent de l’eau de la fonte des neiges et de la pluie, gardant la mémoire de l’endroit jusqu’au retour de la belle saison.
Jardin des Hespérides [ jardin marocain]
Ce petit morceau du Maroc en terre française fait référence à l’un des jardins légendaires du Maghreb, le fabuleux verger des Hespérides, que la mythologie grecque situait à la limite du monde occidental. Ici, le tracé géométrique rigoureux de l’aménagement, qui évoque l’art du jardin arabo-musulman, vient épouser en douceur la configuration bosselée du Vieux Craonne. Au centre de l’espace, une vasque en métal brillant reflète le paysage alentour. Par tradition, les jardins d’Orient sont en effet des espaces à l’écart du monde et du temps, où l’eau symbolise la vie face à l’inhospitalité du désert. Posée sur une plateforme en zellige – des carreaux en terre cuite émaillée typiques du Maroc – la fontaine de ce jardin des Hespérides se trouve donc à la croisée des chemins, prête à accueillir les promeneurs du Chemin des Dames.