Les Allemands sont installés sur une barrière naturelle, le plateau du Chemin des Dames, au nord de la vallée de l'Aisne. On peut comparer leur situation à celle du défenseur d'une forteresse médiévale, sur sa muraille au pied de laquelle circule un fossé rempli d'eau. Cette situation explique la dureté des combats lorsque, en avril 1917, le général Nivelle lance une offensive qui devait être la dernière, qui se révéla un sévère échec. Certaines positions comme celle-ci, la Caverne du Dragon, l'isthme d'Hurtebise, Craonne et le plateau de Californie, avaient une importance considérable. Véritables verrous du plateau, leur possession en assurait le contrôle.
La Caverne du Dragon est la plus connue des creutes du Chemin des Dames. En 1914, il existe simplement une ferme, la ferme de la creute. Cette exploitation vit de la culture de la betterave à sucre, des céréales, un peu d'élevage. Des vergers et des savarts couvrent les pentes exposées au sud. L'ancienne carrière de pierre sert d'étable et de hangar. Elle n'est plus en exploitation depuis au moins le XVIIe siècle.
En septembre 1914, les Français s'y installent. Ils en sont chassés en janvier 1915 à la suite d'une violente attaque lancée par les Allemands. Ceux-ci l'aménagent en casernement pour leurs réserves.
En 1917, débute une période de cohabitation. Français et Allemands sont dans la caverne, les uns au sud, les autres au nord, séparés par un mur.
A l'extrémité Est du Chemin des Dames, au-dessus de la plaine de Champagne. Nous voici dans un bois, le plateau de Californie. Il recouvre ce qui reste de la zone rouge, c'est-à-dire la zone qui n'a pu être rendue à l'activité humaine, à l'agriculture. Ce bois recouvre les vestiges des tranchées creusées par les soldats. Les arbres rendent difficile de comprendre l'ampleur des réseaux de tranchées. Elles sont comme fossilisées par la végétation.
À l'ouest, le plateau a été remis en culture. Cette zone, extrémité de la zone rouge, est restée en l'état. La zone rouge était la zone jugée trop difficile à nettoyer, trop dangereuse à nettoyer. L'administration des Eaux et Forêts a procédé à des plantations d'arbres capables de survivre et de croître dans un sol pauvre. Elle a planté des pins d'Autriche livrés par l'Allemagne au titre des réparations. Peu à peu, la végétation basse s'est reformée. Une fine couche d'humus se constitue, sur un sol lessivé par quatre années de bombardements et d'exposition aux intempéries sans le moindre couvert végétal protecteur. On estime que les quatre années de guerre équivalent à 10.000 ans d'érosion naturelle.
Craonne, rien ou presque ne subsiste de ce village, sinon quelques fondations de maisons et celles de l'église. Craonne est un village de la reconstruction. Une faible partie de la population est revenue. On a eu l'ambition de reconstruire un village de même taille, dans une zone déminée. Le déminage de l'ancien village posait trop de difficultés. La mairie a été construite grâce à l'aide de la Suède. Elle est destinée à un bourg d'un millier d'habitants. Craonne est un chef-lieu de canton peuplé par 76 personnes.
Un siècle après la fin de la Grande Guerre, la paix est revenue. Mais, en se promenant sur ce plateau rendu à la paix, chacun doit se souvenir que le sort de la France s'y est joué.