Le poste de secours de Monaco en 1917
Le traitement des blessés dans la proximité immédiate du front a conduit l’armée française à établir de nouvelles structures à l’approche de l’offensive du printemps 1917. Le poste de secours de Monaco est un exemple d’un centre de soin divisionnaire mis en place durant l’hiver 1917 dans l’optique de rationaliser le traitement des flux de blessés qui proviendraient de Craonnelle ou Craonne principalement. Bien avant sa création, différents centres de traitement de blessés existaient cependant. Ainsi durant la période où le front se stabilise, dès septembre 1914, les blessés du secteur est du Chemin des Dames sont dirigés sur Vassogne, Oulches, le Blanc Sablon ou Beaurieux puis Fismes. À la fin du mois de septembre 1915, des reconnaissances sont néanmoins effectuées afin d’établir de nouveaux postes de secours entre le sud de Craonnelle et le bois de Beaumarais d’une part et l’Aisne d’autre part. Des plans sont établis, mais l’évolution des structures de santé est très lente. Les unités devant prendre part à l’offensive du 16 avril 1917 se déploient dans leurs secteurs respectifs à partir du mois de mars 1917, et c’est ainsi que le service de santé divisionnaire (SSD) et le groupe de brancardiers divisionnaire (GBD) de la 1ère DI installent à la limite entre l’actuel bois des Couleuvres et le bois de Beaumarais un nouveau poste de secours (PS) nommé Monaco.
Le poste de Monaco de sa création au 16 avril 1917
Le 13 mars 1917, décision est prise par le service de santé de la 1ère DI que le personnel du groupe de brancardiers divisionnaires sera employé à des travaux de construction d’un nouveau PS dès le 15 mars. Le 15 mars 1917, un détachement de brancardiers est effectivement employé à la construction d’un poste de secours dit « de Monaco » dans le bois de Beaumarais [le bois des Couleuvres en fait], travaux qui se poursuivent dans les jours qui suivent. Le 7 avril, le poste de secours est terminé, puisque les 3e et 4e sections ne rentrent plus à Maizy et s’y installent, mais le poste continuera d’être aménagé jusqu’au 13 avril. Le 9 avril 1917, le pharmacien auxiliaire Fournier est mentionné comme chef de poste du PS de Monaco. Le 10 avril 1917, le GBD est réorganisé, et tous les hommes restants disponibles au GBD reçoivent notamment l’ordre d’aller au PS de Monaco pour travailler à son aménagement. Une auto sanitaire est désormais stationnée au PS de Monaco tandis qu’une autre stationne à la Fontaine au Vivier. En cas de besoin d’évacuation, il est convenu que les voitures à chevaux évacueraient directement du poste Aurousseau sur le poste de Monaco les blessés couchés et assis. La voiture partant du poste de secours de Monaco préviendrait celle du Vivier qui la remplacerait et une autre de Maizy viendrait remplacer celle de la Fontaine au Vivier, assurant ainsi une rotation.
Il est alors prévu que le nombre des voitures stationnant au PS de Monaco sera progressivement augmenté au fur et à mesure des besoins. Le 13 avril 1917, il est indiqué que tout le personnel restant à Maizy devra se rendre au poste de Monaco pour travailler à l’achèvement du poste, il faut dire que l’offensive est imminente. Le 15 avril 1917, quelques obus tombent en effet dans le bivouac des chevaux et des hommes (1 brancardier blessé, 3 chevaux tués et 2 chevaux blessés), et dans la soirée, le médecin-chef est avisé que le jour J sera le 16 avril, et l’heure H = 6 heures. Il est avisé également de ne se porter à Craonne qu’à partir de H+2h30 et réclame au service de santé d’avoir dès l’aube 5 voitures supplémentaires au PS de Monaco.
Le poste de Monaco à l’épreuve de l’offensive Nivelle
Le 16 avril 1917 à 6h00, aucune des voitures demandées n’est au PS de Monaco et le médecin-chef en rend compte au service de santé. 3 sections de brancardiers restant au PS vont progressivement renforcer celle qui est au PS Aurousseau, au plus près des 1ère lignes de la 1ère vague d’assaut qui attaque entre Craonnelle et Craonne. Les blessés arrivent normalement, malgré l’encombrement des pistes par des troupes de toutes sortes. Les évacuations sur l’arrière se font plus lentement par suite de la rareté des autos. Le médecin-chef rend compte au service de santé qui invoque l’encombrement et le mauvais état des routes, gênant complètement la circulation. De plus, les voitures envoyées à Cuiry-les-Chaudardes ou Beaurieux sont souvent envoyées à Montigny ou Prouilly par des autorités diverses et mettent de longues heures à revenir. Vers 8h00, le pharmacien toxicologue avec son aide se rendent au PS Aurousseau en vue de suivre de près la progression de l’infanterie, et pour analyser au plus près les environs de Craonne. Vers 8h30, le médecin-chef, sur le point de quitter le PS de Monaco, est averti que les services régimentaires n’ont pas encore quitté le PS Aurousseau. Le poste de Monaco continue donc de fonctionner. À 11h00, le médecin-chef se rend au PS Aurousseau pour avoir des renseignements plus précis. Il apprend que l’avancée est très lente ; néanmoins le personnel régimentaire est parti depuis peu, laissant très peu de personnel au PS Aurousseau. Le médecin-chef rentre alors au PS de Monaco et, laissant l’officier gestionnaire se charger des évacuations qui restent à faire, va partir au PS Aurousseau avec le peu de personnel qui lui reste sous la main, quand il apprend que le personnel régimentaire est revenu au PS Aurousseau. A midi, le poste de Monaco continue toujours à fonctionner, mais dans l’après-midi, les évacuations sont plus nombreuses que dans la matinée. Les voitures à chevaux sont utilisées pour évacuer sur Cuiry-les-Chaudardes, des évacuations sur Cuiry sont même faites par brouette-brancards pour éviter l’encombrement qui se produirait rapidement si l’on comptait uniquement sur les autos sanitaires pour évacuer. À partir de 19h00 aucune auto n’arrive plus. À 23h30 le médecin-chef rend compte au médecin divisionnaire de l’état des choses. En raison de l’obscurité de la nuit, et du mauvais état des pistes pour venir en aide aux brancardiers, toutes les petites voitures pour blessés vont directement chercher les blessés au PS Aurousseau tandis que deux grandes voitures pour blessés évacuent de Monaco sur Cuiry un poste de secours engorgé et toujours rempli.
Régiments | Blessés |
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1er RI | 107 |
233e RI | 96 |
201e RI | 219 |
8e RI | 38 |
TOTAL (toutes unités) | 550 blessés |
Le 17 avril, quand le jour se lève, le GBD fonctionne dans les mêmes conditions que la veille. Les rares autos sanitaires qui arrivent sont réservées au transport à Beaurieux des intransportables. Une seule est envoyée à Bouvancourt (officiers). Les emplacements du GBD et des PS régimentaires ne changent pas. Toutefois le PS de Craonnelle est évacué en grande partie par le centre Aurousseau, notamment pour les blessés assis et couchés, que les voitures hippomobiles du groupe vont prendre à 200 m de Craonnelle sur la route de Pontavert. Quelques autos sont poussées jusqu’au PS Aurousseau par la route de Pontavert à Craonnelle, mais la circulation de jour est délicate.
Régiments | Blessés |
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1er RI | 128 |
233e RI | 105 |
201e RI | 138 |
6e chasseurs | 20 |
TOTAL (toutes unités) | 445 blessés et 3 intoxiqués |
Le 18 avril, les postes de secours de la 1ère DI occupent toujours les mêmes emplacements. Le fonctionnement du service automobile est beaucoup plus régulier. Il y a eu en permanence des autos au PS de Monaco. Un sous-officier du service de santé était également présent sur les lieux. Toutes les évacuations sur les ambulances ou HOE ont été faites par autos. Dans la soirée, 3 autos sont allées au PS Aurousseau par Pontavert et ont évacué directement ce poste, ce qui a évité à des blessés graves le transport par une nuit noire par des pistes en affreux état. Les petites voitures du GBD continuent quant à elle à évacuer les blessés de Craonnelle sur le PS Aurousseau.
Régiments | Blessés |
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1er RI | 76 |
233e RI | 39 |
201e RI | 78 |
TOTAL (toutes unités) | 217 blessés (dont 10 Allemands) et 1 intoxiqué |
Le 19 avril, le fonctionnement revient à la normale et le nombre des blessés est en voie de diminution. Les 20 brancardiers prêtés par le 1er Corps d’Armée qui avaient été envoyés en renfort aux postes de secours régimentaires sont tous rappelés au PS de Monaco. Ils sont employés au chargement et au déchargement des voitures, à l’entretien des pistes et des abords du poste. Après 4 jours interminables, le GBD reçoit l’ordre de reprendre son ancien cantonnement de Maizy en laissant seulement dans le secteur le personnel indispensable. Une section à tour de rôle viendra au PS de Monaco se reposer. Le GBD ne quittera le secteur que lorsque la division sera relevée.
Régiments | Blessés |
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1er RI | 76 |
233e RI | 30 |
33e RI | 61 |
201e RI | 22 |
TOTAL (toutes unités) | 218 blessés (dont 3 Allemands), 5 intoxiqués et 1 malade |
Le 20 avril, le fonctionnement est normal, mais dans la soirée, au cours d’un bombardement très violent de Craonnelle, 3 brancardiers sont atteints en revenant de conduire des blessés au relai hippomobile.
Régiments | Blessés, Intoxiqués et malades |
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1er RI | 71 blessés, 2 intoxiqués et 3 malades |
233e RI | 24 blessés et 3 malades |
33e RI | 100 blessés, 2 intoxiqués et 2 malades |
201e RI | 11 blessés |
TOTAL (toutes unités) | 246 blessés (dont 2 Allemands), 4 intoxiqués et 17 malades |
L’activité du poste de Monaco jusqu’à la fin de l’année 1917
Le 22 avril 1917, en relève du GBD de la 1ère DI qui lui laisse 2000 masques M2, le GBD de la 36e DI arrive à Monaco (bois de Beaumarais) à 22h30 et s’y installe dans les jours qui suivent. Il y restera jusqu’au 12 mai 1917, ayant notamment à supporter les attaques du début du mois de mai sur le plateau de Californie.
Du 7 au 26 juillet 1917, le GBD de la 18e DI s’installe à Monaco avec son médecin chef. Le 28 juillet 1917, le GBD de la 2e DIC qui est installé au PS de Monaco depuis le 25 juillet 1917, installe des douches pour son personnel. Une équipe de brancardiers malgaches est presque chaque jour chargée de l’assainissement du champ de bataille et chaque soir, deux hommes montent la garde en cas d’émission de gaz. Le 2 août 1917, dans la journée, le PS de Monaco reçoit la visite du général Mazillier, Cdt du 1er CAC. Le 13 août 1917 dans la soirée, un violent bombardement du poste de Monaco et des environs se déclenche. Un obus de gros calibre tombe sur le poste et ne cause aucune avarie. Un autre obus tombe près des cuisines.
Le 18 août 1917, des bains douches sont installés et fonctionnent pour les hommes du groupe. Le 22 septembre 1917, la construction d’un abri est décidée pour le service de la stomatologie. Le 1er octobre 1917 et dans les jours qui suivent, tous les brancardiers sont employés pour la construction de nouveaux abris en vue de l’hiver prochain. Le 30 octobre 1917, le GBD/55 installe son poste central à Monaco (médecin-chef et services) et on relève que des inhumations se font au cimetière militaire de Monaco, même si ce fut le cas dès juillet 1917. C’est probablement à cette période qu’une série de photographies sont réalisées au PC Monaco, et que l’on peut voir ci-contre.
Le 1er novembre 1917, le PS de Monaco reçoit la visite d’un général américain qui se fait expliquer la manière de se servir des différents appareils contre les gaz asphyxiants et adresse ses félicitations au médecin-chef. Le 14 novembre 1917, après un lourd bombardement aux gaz vésicants, de nombreux blessés affluent toute la journée. Le général Mangin, Cdt la 55e DI, s’arrête au poste principal de Monaco en revenant du front vers 13 heures. Il revient le 17 novembre et visite le poste central du GBD et le dépôt d’éclopés pour intoxiqués. Le 28 novembre 1917, le GBD/53 relève le GBD/55, la portion centrale reste au lieu-dit « Monaco » dans le bois de Beaumarais, et un laboratoire de toxicologie et le cabinet dentaire sont installés à Monaco.
Le 17 décembre 1917, arrivée des hommes du GBD/125 en relève du GBD/9. Un quart de chocolat est servi à chaque homme par les soins de la buvette. Réconfortés, les brancardiers spécialistes et disponibles vont prendre possession des abris qui leur sont destinés, ceux qui sont désignés pour les postes sont rassemblés sous la conduite des chefs de poste et sont aussitôt mis en route après avoir mangé la soupe. Le 18 décembre 1917, le PS de Monaco s’organise et les abris des hommes sont mis en ordre. Le service des eaux fonctionne mais aussi le ravitaillement d’eau potable, que l’on va chercher à Chaudardes. On fixe également les emplacements des cuves en ciment qui conserveront plus complètement l’approvisionnement. Le 21 décembre 1917, sous les ordres du pharmacien toxicologue, les brancardiers stationnés au PS de Monaco, s’occupent de construire des abris où l’on pourra protéger les cuves en ciment contenant l’eau potable. Ces abris seront fermés et lorsque cela sera nécessaire des braises entretiendront dans ces abris la chaleur nécessaire pour empêcher l’eau de congeler.
Le cimetière militaire de Monaco
La première mention d’un cimetière de Monaco figure dans le JMO du GBD de la 2e DIC le 27 juillet 1917, dix hommes y étant inhumés. Une équipe de fossoyeurs est affectée au cimetière de Monaco ainsi qu’une équipe de 3 hommes chargée de l’identification des cadavres à la même date, ce qui laisse entrevoir que ce cimetière est de création très récente. Le 29 juillet, on procède à l’ensevelissement de huit morts au cimetière de Monaco, puis neuf le lendemain et dix-huit le 31 juillet. Dans les mois suivent, huit à dix hommes en moyenne y seront inhumés quotidiennement. Le 19 août 1917, un violent bombardement sur le poste de Monaco et ses alentours renversera et brisera 4 croix du cimetière, provoquant également la chute d’un arbre. Un obus éclatera en outre au pied de l’abri de l’aumônier. Au total, d’après les sources à notre disposition, on peut estimer que 284 hommes ont été inhumés dans le cimetière militaire provisoire de Monaco entre le 27 juillet 1917 et le 19 janvier 1918. La date de création du cimetière n’étant pas clairement définie, il y a lieu de penser qu’il a pu y avoir des sépultures antérieures à juillet 1917. Étant donné la taille du site, il est par ailleurs certain qu’il continua de fonctionner jusqu’à la fin du conflit, les hommes étant ensuite exhumés et sans doute dirigés sur la toute proche nécropole de Pontavert, encore visible aujourd’hui.
Le PS et le cimetière de Monaco aujourd’hui
Une visite sur les lieux où se tenait le poste de secours n’a permis de découvrir aucune trace des installations existantes, qui ont sans doute été arasées, les parcelles montrant des signes de reboisement méthodique, bien que la courbure de la voie qui desservait le « Centre de Monaco » soit encore visible en vue aérienne. Pour ce qui est du cimetière militaire provisoire, les corps ont été transférés vers une nécropole, sans doute celle de Pontavert, à l’exception d’une sépulture, celle du S/Lt Henry Baptandier, qui se compose d’une pierre tombale complète et en bon état, quoique envahie par la végétation, dotée d’une semelle, d’un soubassement, d’une stèle gravée et d’une pierre tombale en elle-même.
SHR GR 26 N 261/11, JMO du Groupe de brancardiers divisionnaire de la 1er DI